Une rue au nom du Colonel
Article :
Le journal de Bastogne nous rappelait que le dimanche 29 septembre 1946, suite à une décision du conseil communal, une artère de la ville devenait la « rue du Colonel Jean Rouling » .
À l’occasion de cette inauguration, le Lieutenant Général Molitor, ancien commandant supérieur des troupes Coloniales Belges en 1918-1919 retraça la carrière du Colonel Rouling et rappela le brillant fait d’arme de Kato où Rouling s’illustra à la tête du 4e régiment des troupes coloniales, le 3 juillet 1916. Parmi les personnalités, on remarquait M.Rennequin, Bourgmestre de Bastogne, entouré du conseil communal, le député Jaspar, le directeur du séminaire de Bastogne et de nombreux officiers ainsi que des délégations de groupements patriotiques.
Le Lieutenant Général Molitor prononça un long discours où d’abord fut rappelée l’agression de von Rundstedt et l’action du Général Mac-Auliff. Et de poursuivre :
« Nous sentons profondément l’honneur qui est fait à notre frère d’armes, le colonel Rouling, en donnant son nom à une rue de Bastogne, comme il a été fait déjà pour trois glorieux enfants de la ville, fusillés de la guerre, et nous adressons, au nom de tous, nos plus vifs remerciements à l’administration communale de Bastogne pour ce geste si généreux à l’égard d’un proche voisin, geste qui nous donne l’occasion tant souhaitée de rappeler et de communiquer ici, dans un endroit désormais historique le brillant fait d’arme accompli le 3 juillet 1916 à Kato, à l’ouest du lac Victoria.
Le colonel Jean Rouling, ancien commandant du 4e Régiment des troupes coloniales, est un vrai soldat, un homme d’action accompli. Il est né en 1869 à Arloncourt, près de Bastogne et il y repose depuis 1939.
Après avoir fait ses classes au Séminaire de Bastogne, Rouling a embrassé la carrière militaire. Devenu officier, il s’est senti attiré irrésistiblement par le Congo belge.
Entré en 1905 dans les cadres de la Force Publique, il fut bientôt chargé de missions importantes. La guerre de 1914 lui permit de mettre en valeur ses brillantes qualités militaires sur l’Yser d’abord, puis en Afrique.
Il y a trente ans, nos troupes marchaient sur Tabora. Rouling conduisait depuis les positions de la Sebea (Nord du lac Kivu) la colonne droite de la Brigade Nord que j’avais l’honneur de commander. Il le fit au milieu de très grandes difficultés dont il triompha, grâce à sa volonté farouche de « sanglier des Ardennes ». Bien qu’il ne disposât pas des grandes facilités de portage du restant de la brigade nord, bien que le 4e régiment ait quitté le lac Kivu, sans vivres de réserve et avec fort peu de porteurs, bien qu’il venait de marcher sans arrêt pendant six semaines en vivant sur le pays, bien que le fusil Gras, arme de rebut, nous mettait en état d’infériorité par rapport aux Allemands armés de fusils Mauser à un coup , tirant la cartouche à poudre sans fusée, bien que les quelques mitrailleuses Maxim disponibles fonctionnaient très mal et constituaient plutôt des impedimenta, bien que les troupes belges étaient habillées d’indigo drill si visibles de loin, alors que les Allemands avaient des tenues Kaki peu ou pas visibles dans la Savane à cette époque de l’année, bien qu’à partir de Katoke, le régiment n’avait plus de médecin et fort peu de médicaments, cela ne l’empêcha pas de s’acquitter brillamment des missions importantes qui lui furent confiées.
Parti le 11juin de Kaninja (méridien de Kikali) avec sa colonne (deux petits bataillons : XI°du commandant Loken, XIII° du commandant Pauwels et batterie St. Chamond du commandant Jadot) en vue de soutenir la colonne de gauche, marchant hâtivement vers Biaramulo, il atteint le 16 juin la Ruwuwu dont il força le passage à Rusalino; il poursuivit sans délai sa marche vers Biarmulo sur les traces de l’ennemi en retraite, avec mission d’intercepter la retraite du Hauptmannn Godovius, commandant des forces allemandes du Bukoba, venant de la basse Kagern, où elles faisaient d’abord face aux forces anglaises du Général Crewe. La tête de la colonne Rouling atteignit le lac Victoria le 29 juin et le colonel Rouling organisait aussitôt un réseau de surveillance et de garde face au nord, la droite à Busirajembo sur le lac, sur un front de 50 Kms à vol d’oiseau. Il se tenait vers le centre à Kato (Nyakerensu point d’eau constituant passage obligé). Loken était à droite à Busirajembo, Pauwels à la gauche à Bukara.
Le 3 juillet 1916, à Kato, Rouling livrait au Hauptmann Godovius, conduisant personnellement une colonne de plus de 300 noirs avec canon et mitrailleuse, un sanglant combat de six heures environ, à la suite duquel la colonne ennemie fut complètement annihilée et son chef fait prisonnier. Rouling fut gravement blessé et dut être évacué durant le combat, dont la direction fut reprise par le Commandement Hubert.
On se fera une idée de l’acharnement de la lutte en considérant qu’à un moment sept Européens et une trentaine de noirs soutinrent l’attaque de 400 blancs et noirs ennemis.
Nos pertes furent 4 Européens tués (S.Lieutenants de Beughem,, de Houtem et de Zitter ; Ss.officiers auwerlinck et Domken Armaznd) et 5 Européens blessés (Major Rouling, commandant Lescornez, s. Lieutenant Linstedt, s.ofiiciers De Bekker et Domkem André) sur un total de 17 Européens. Sur un total de 157 noirs, nous avions 29 tués et 30 blessés.
La défaite de Godovius à Kato, complétée du 2 au 5 juillet par la capture de 14 Européens dont le Hauptmann Godovius et par les nombreuses pertes infligées aux débris de troupes noires allemandes, eut sur nos ennemis un effet démoralisant considérable. Ils avaient escompté la jonction de Godovius avec les défenseurs de Mwanza, par le sud du lac.
Les Anglais de l’Uganda, sous les ordres du Général Crewe qui suivaient Godovius dans sa retraite sans avoir pu garder le contact avec lui, furent les plus fortement impressionnés par le succès de Kato , ne croyant absolument pas possible aux Belges d’intercepter la retraite de Godovius. Vu l’extrême difficulté de cette entreprise, le Général Crewe avait proposé que les Belges fournissent un contingent de 1.000 Belges et 2 batteries St Chamond de 70mm qui, avec 1200 Anglais se seraient embarqués à Nanirenbe le 10 juillet pour attaquer Mwanzsa le 12 par le nord-est.
L’historique officiel de la campagne d’Afrique est muet quant à la portée considérable de Kato sur la suite des événements.
La brillante victoire de Rouling s’explique : elle est due à l’énergie indomptable de ce chef modèle qu’animait une foi ardente dans la justice de la cause belge. Son souverain mépris de la mort exerçait sur son entourage et sur ceux qui l’approchaient un prestige et un ascendant irrésistibles. Doué du fluide impératif, il savait faire passer dans l’âme de sa troupe, du plus grand au plus petit, sa résolution farouche d’imposer sa volonté de vaincre.
Rouling, dont la doctrine fut « aimer et servir » est un symbole et un drapeau. Il avait juré devant son cadre blanc de ne pas tomber vivant dans les mains de l’ennemi et il lui avait insufflé cette détermination irrévocable. Tous ses officiers et sous-officiers auraient suivi son exemple.
Ce véritable professeur d’énergie a démontré qu’on peut fonder les plus grandes espérances sur des troupes belges étroitement unies, conduites par des chefs les connaissant bien et ayant la foi dans leur valeur.
Kato est une leçon de courage éclairé et de patriotisme dont le souvenir ne peut se perdre et il est proposé qu’à l’occasion du 30° anniversaire de ce glorieux fait d’armes, le nom de Kato brille en lettres d’or sur le drapeau du 4e régiment des troupes coloniales.
Ce serait le plus bel hommage à la mémoire du Colonel Rouling et de tous les partisans d’une victoire dont le recul du temps ne fait qu’accentuer le relief. »
Le journal de Bastogne nous rappelait que le dimanche 29 septembre 1946, suite à une décision du conseil communal, une artère de la ville devenait la « rue du Colonel Jean Rouling » .
À l’occasion de cette inauguration, le Lieutenant Général Molitor, ancien commandant supérieur des troupes Coloniales Belges en 1918-1919 retraça la carrière du Colonel Rouling et rappela le brillant fait d’arme de Kato où Rouling s’illustra à la tête du 4e régiment des troupes coloniales, le 3 juillet 1916. Parmi les personnalités, on remarquait M.Rennequin, Bourgmestre de Bastogne, entouré du conseil communal, le député Jaspar, le directeur du séminaire de Bastogne et de nombreux officiers ainsi que des délégations de groupements patriotiques.
Le Lieutenant Général Molitor prononça un long discours où d’abord fut rappelée l’agression de von Rundstedt et l’action du Général Mac-Auliff. Et de poursuivre :
« Nous sentons profondément l’honneur qui est fait à notre frère d’armes, le colonel Rouling, en donnant son nom à une rue de Bastogne, comme il a été fait déjà pour trois glorieux enfants de la ville, fusillés de la guerre, et nous adressons, au nom de tous, nos plus vifs remerciements à l’administration communale de Bastogne pour ce geste si généreux à l’égard d’un proche voisin, geste qui nous donne l’occasion tant souhaitée de rappeler et de communiquer ici, dans un endroit désormais historique le brillant fait d’arme accompli le 3 juillet 1916 à Kato, à l’ouest du lac Victoria.
Le colonel Jean Rouling, ancien commandant du 4e Régiment des troupes coloniales, est un vrai soldat, un homme d’action accompli. Il est né en 1869 à Arloncourt, près de Bastogne et il y repose depuis 1939.
Après avoir fait ses classes au Séminaire de Bastogne, Rouling a embrassé la carrière militaire. Devenu officier, il s’est senti attiré irrésistiblement par le Congo belge.
Entré en 1905 dans les cadres de la Force Publique, il fut bientôt chargé de missions importantes. La guerre de 1914 lui permit de mettre en valeur ses brillantes qualités militaires sur l’Yser d’abord, puis en Afrique.
Il y a trente ans, nos troupes marchaient sur Tabora. Rouling conduisait depuis les positions de la Sebea (Nord du lac Kivu) la colonne droite de la Brigade Nord que j’avais l’honneur de commander. Il le fit au milieu de très grandes difficultés dont il triompha, grâce à sa volonté farouche de « sanglier des Ardennes ». Bien qu’il ne disposât pas des grandes facilités de portage du restant de la brigade nord, bien que le 4e régiment ait quitté le lac Kivu, sans vivres de réserve et avec fort peu de porteurs, bien qu’il venait de marcher sans arrêt pendant six semaines en vivant sur le pays, bien que le fusil Gras, arme de rebut, nous mettait en état d’infériorité par rapport aux Allemands armés de fusils Mauser à un coup , tirant la cartouche à poudre sans fusée, bien que les quelques mitrailleuses Maxim disponibles fonctionnaient très mal et constituaient plutôt des impedimenta, bien que les troupes belges étaient habillées d’indigo drill si visibles de loin, alors que les Allemands avaient des tenues Kaki peu ou pas visibles dans la Savane à cette époque de l’année, bien qu’à partir de Katoke, le régiment n’avait plus de médecin et fort peu de médicaments, cela ne l’empêcha pas de s’acquitter brillamment des missions importantes qui lui furent confiées.
Parti le 11juin de Kaninja (méridien de Kikali) avec sa colonne (deux petits bataillons : XI°du commandant Loken, XIII° du commandant Pauwels et batterie St. Chamond du commandant Jadot) en vue de soutenir la colonne de gauche, marchant hâtivement vers Biaramulo, il atteint le 16 juin la Ruwuwu dont il força le passage à Rusalino; il poursuivit sans délai sa marche vers Biarmulo sur les traces de l’ennemi en retraite, avec mission d’intercepter la retraite du Hauptmannn Godovius, commandant des forces allemandes du Bukoba, venant de la basse Kagern, où elles faisaient d’abord face aux forces anglaises du Général Crewe. La tête de la colonne Rouling atteignit le lac Victoria le 29 juin et le colonel Rouling organisait aussitôt un réseau de surveillance et de garde face au nord, la droite à Busirajembo sur le lac, sur un front de 50 Kms à vol d’oiseau. Il se tenait vers le centre à Kato (Nyakerensu point d’eau constituant passage obligé). Loken était à droite à Busirajembo, Pauwels à la gauche à Bukara.
Le 3 juillet 1916, à Kato, Rouling livrait au Hauptmann Godovius, conduisant personnellement une colonne de plus de 300 noirs avec canon et mitrailleuse, un sanglant combat de six heures environ, à la suite duquel la colonne ennemie fut complètement annihilée et son chef fait prisonnier. Rouling fut gravement blessé et dut être évacué durant le combat, dont la direction fut reprise par le Commandement Hubert.
On se fera une idée de l’acharnement de la lutte en considérant qu’à un moment sept Européens et une trentaine de noirs soutinrent l’attaque de 400 blancs et noirs ennemis.
Nos pertes furent 4 Européens tués (S.Lieutenants de Beughem,, de Houtem et de Zitter ; Ss.officiers auwerlinck et Domken Armaznd) et 5 Européens blessés (Major Rouling, commandant Lescornez, s. Lieutenant Linstedt, s.ofiiciers De Bekker et Domkem André) sur un total de 17 Européens. Sur un total de 157 noirs, nous avions 29 tués et 30 blessés.
La défaite de Godovius à Kato, complétée du 2 au 5 juillet par la capture de 14 Européens dont le Hauptmann Godovius et par les nombreuses pertes infligées aux débris de troupes noires allemandes, eut sur nos ennemis un effet démoralisant considérable. Ils avaient escompté la jonction de Godovius avec les défenseurs de Mwanza, par le sud du lac.
Les Anglais de l’Uganda, sous les ordres du Général Crewe qui suivaient Godovius dans sa retraite sans avoir pu garder le contact avec lui, furent les plus fortement impressionnés par le succès de Kato , ne croyant absolument pas possible aux Belges d’intercepter la retraite de Godovius. Vu l’extrême difficulté de cette entreprise, le Général Crewe avait proposé que les Belges fournissent un contingent de 1.000 Belges et 2 batteries St Chamond de 70mm qui, avec 1200 Anglais se seraient embarqués à Nanirenbe le 10 juillet pour attaquer Mwanzsa le 12 par le nord-est.
L’historique officiel de la campagne d’Afrique est muet quant à la portée considérable de Kato sur la suite des événements.
La brillante victoire de Rouling s’explique : elle est due à l’énergie indomptable de ce chef modèle qu’animait une foi ardente dans la justice de la cause belge. Son souverain mépris de la mort exerçait sur son entourage et sur ceux qui l’approchaient un prestige et un ascendant irrésistibles. Doué du fluide impératif, il savait faire passer dans l’âme de sa troupe, du plus grand au plus petit, sa résolution farouche d’imposer sa volonté de vaincre.
Rouling, dont la doctrine fut « aimer et servir » est un symbole et un drapeau. Il avait juré devant son cadre blanc de ne pas tomber vivant dans les mains de l’ennemi et il lui avait insufflé cette détermination irrévocable. Tous ses officiers et sous-officiers auraient suivi son exemple.
Ce véritable professeur d’énergie a démontré qu’on peut fonder les plus grandes espérances sur des troupes belges étroitement unies, conduites par des chefs les connaissant bien et ayant la foi dans leur valeur.
Kato est une leçon de courage éclairé et de patriotisme dont le souvenir ne peut se perdre et il est proposé qu’à l’occasion du 30° anniversaire de ce glorieux fait d’armes, le nom de Kato brille en lettres d’or sur le drapeau du 4e régiment des troupes coloniales.
Ce serait le plus bel hommage à la mémoire du Colonel Rouling et de tous les partisans d’une victoire dont le recul du temps ne fait qu’accentuer le relief. »
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